La malédiction de l’éternel apprenant en business
On oppose souvent l’intelligence du terrain ( « street smart ») à l’intelligence académique (« book smart »).
Quand j’ai débuté, j’ai cru que pour réussir dans l’entrepreneuriat, il fallait être book smart. Cela m’arrangeait et allait parfaitement avec ma personnalité « rat de bibliothèque ». Mais depuis 10 ans, j’observe que l’immense majorité des entrepreneurs sont plutôt du côté « street smart » et que le côté « book smart » est plutôt un inconvénient quand on développe un business.
Je sais que ça peut paraître assez violent comme information surtout quand on aime passionnément les livres et l’apprentissage, mais considérez mes arguments.
La différence entre la théorie et la pratique
S’il suffisait de lire des livres, de suivre des programmes et d’être volontaire pour atteindre un but, nous serions tous riches avec un corps à la Monica Bellucci.
MAIS, il existe un fossé énorme entre la théorie et la réalité. Et malheureusement, tout notre système de formation est basé sur le mythe qu’on peut apprendre en « théorie ». C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à arrêter de proposer mes accompagnements sur le CPF, suite à la réforme visant à « normaliser les approches pédagogiques ».
En clair, il s’agissait d’appliquer le même programme pour tout le monde et surtout surtout de bien gratter du papier comme au lycée. The méthode parfaite pour planter sa boîte et tuer les désirs d’entreprendre mais ce n’est pas le sujet !
L’idée principale ici c’est qu’un concept tiré d’un livre, d’une formation, vidéo … ça donne l’impression qu’on sait alors qu’on ne sait pas.
Prenons le concept du « gap de curiosité ». Le "gap de curiosité" permet de rendre une accroche de contenu percutante. Il faut que vos premiers mots en disent assez sur votre idée sans trop en dire.
Par exemple :
- Publier du contenu tous les jours ne permet pas de progresser sans cette première partie de l’équation.
Ici j'ai misé sur le levier de curiosité. En effet, le fait que vous ne sachiez pas ce qu'est la partie de l'équation incite à cliquer pour savoir.
- Nous mentons tous y compris vous si vous faites cette action sur LinkedIN
Ici, j'ai joué sur l'effet de moralité : si on a peur de mentir dans ce contexte : on clique !"
Vous avez sans doute l’impression de comprendre - d’autant plus que j’ai appliqué le concept à un domaine très précis, ce qui n’est pas toujours le cas.
Pourtant, quand je relis les accroches des créateurs que j’accompagne, il faut souvent plusieurs essais pour arriver à intégrer ce « concept ».
L’importance du contexte : aka la vraie vie
Les livres ne sont pas contextualisés ( = appliqués à des situations concrètes de VOTRE quotidien)
Si je vous demande de m’appliquer le concept d’amoralité introduit dans le livre de Nietzsche Par-delà le bien et le mal vous allez probablement me regarder en pensant : qu’est-ce qu’elle raconte cette meuf. Elle a bu trop de jus de goyave !
Avant, je ne comprenais pas pourquoi la plupart des gens ne comprenaient pas les concepts.
C’était tellement évident pour l’intello que je suis. Et puis en accompagnant des entrepreneurs, j’ai réalisé qu’un concept devait être conceptualisé très très précisément pour être compréhensible et mis en pratique plusieurs fois pour être véritablement intégré dans le corps.
Je me suis donc retrouvée à devoir trouver des situations très précises où appliquer des concepts très abstraits comme l’amoralité puis à imaginer des mises en situation pour que mes clients puissent les intégrer.
Par exemple, l’amoralité dans l’alimentation consiste à manger végétarien la majorité du temps et s’enfiler une côte de bœuf en provenance d’Argentine chez des amis.
L’amoralité dans l’entrepreneuriat c’est ne pas juger un client pour son secteur d’activité ( ou comment j’ai travaillé indirectement pour l’industrie du porno ! )
Bref, vous voyez l’idée : L’idéal versus la réalité. Et comme si cela ne suffisait pas, la théorie à une autre faille béante.
La limite infranchissable : les réactions humaines.
Souvent les concepts, les méthodes en 5 étapes ne marchent pas à cause des humains, une matière vivante trop imprévisible.
Par exemple, le positionnement en marketing. Le truc que tous les marketeurs estiment indispensable : on ne peut pas le trouver à priori ! Il émerge au fur et à mesure des actions avec l’évolution de nos croyances. Et il évolue sans cesse en fonction de nos expériences de vie (sauf à vouloir créer un business sans âme).
Bien évidemment, toute l’industrie passe sous silence ce petit détail que j’ai expérimenté au cours de TOUS les lancements d’activité auxquels j’ai assistés !
Ainsi, au début, je croyais vouloir travailler avec des gourous spirituels… Puis, après avoir travaillé avec un, deux, trois personnes de ce milieu, je me rends compte que c’était une grosse erreur. Mon positionnement a donc évolué en fonction de mes expériences.
Enfin, last but not least, apprendre sans cesse de nouveaux outils est une course sans fin.
Et ça peut devenir très très contre-productif quand se former devient une excuse pour fuir le réel et ne pas se confronter à ses peurs et à ses croyances.
Ceci est d’autant plus dangereux quand on sait que plus on apprend plus on a le sentiment d’être incompétent. Pendant ce temps, les imbéciles ne doutent de rien.
Tout ça pour dire : j’adore les concepts et je ne me lasserais jamais d’apprendre.
Toutefois, j'avais à coeur de souligner les dangers de la formation déconnectée de la pratique.
Sans renier notre penchant pour le "book smart" pour réussir à vivre de ce qui nous anime, une pincée de « street smart » est indispensable !